Le temps de l’homme est en réalité sa vie, c’est la matière de son existence éternelle dans le bonheur durable ou le tourment douloureux. Il s’écoule comme le passage des nuages, les nuits et les jours s’alternent rapidement, réduisant les âges, rapprochant les échéances. Des compagnons avant nous, tels que Nouh, ‘Ad, Thamoud, et de nombreuses générations entre eux, tous sont retournés vers leur Seigneur, rendant compte de leurs actions et leurs vies se sont éteintes. La nuit et le jour sont deux nouveaux cycles pour d’autres peuples après eux. Allah a dit (dans le sens approché): “C’est Lui qui a assigné la nuit et le jour en alternance pour quiconque veut se rappeler ou veut être reconnaissant.” [Sourate 25, v.62].
Il est donc opportun pour le musulman, en particulier en ce mois béni, en cette période importante et ce temps précieux, de considérer cette alternance des nuits et des jours comme une leçon et une exhortation. Combien de Ramadans avons-nous voulu atteindre puis sont passés rapidement ? La nuit et le jour vieillissent tout ce qui est nouveau, rapprochent tout ce qui est loin, réduisent les vies, change les enfants en jeunes, et font disparaître les âgées. Tout cela fait allusion au départ de ce monde et son déclin avec l’approche de l’au-delà. ‘Ali Ibn Abi Talib a dit: “Certes la vie terrestre s’en va, et la vie de l’au-delà se rapproche, et chacune d’elle a des enfants, alors soyez les enfants de l’au-delà et ne soyez pas les enfants de ce bas monde. Aujourd’hui est un jour d’actes sans jugement, et demain, sera un jour de jugement sans actes”1. ‘Omar Ibn ‘Abd Al ‘Aziz a dit : “Le monde n’est pas votre résidence permanente, c’est une demeure où Allah a inscrit l’extinction, et Il a prescrit pour ses habitants le départ. Combien de constructions solides se sont effondrées en peu de temps, et combien de résidents heureux se sont retrouvés désolés en peu de temps. Alors, préparez-vous de la meilleure des manières, qu’Allah vous fasse miséricorde, pour ce voyage, et préparer vos provisions, car la meilleure provision est sans aucun doute la piété”2.
L’homme connaît une réduction de sa durée de vie depuis qu’il a quitté le ventre de sa mère. Il est comme l’a dit Hassan Al Basri, qu’un ensemble de jours, chaque jour qui passe emporte une partie de l’homme avec lui. Ainsi, chaque jour diminue le mois, le mois diminue l’année, et l’année diminue la vie. Chaque heure qui s’écoule pour le serviteur, le rapproche de son terme. Ibn Mass’oud a dit : “Je ne regrette rien autant que le jour où le soleil s’est couché, raccourcissant ma vie sans y ajouter de bonnes actions”. Cela témoigne du soin particulier qu’il accordait au temps. Al Hassan a dit : “J’ai rencontré des gens qui étaient plus soucieux de leurs temps que vous ne l’êtes de vos Dirhams et Dinars”.
Ainsi, celui qui passe sa journée sans s’acquitter d’un droit, ou sans accomplir une obligation, ou sans faire une chose honorable, à atteindre quelque chose de louable, dans le bien qu’il a établi ou dans la connaissance qu’il a acquise, alors il a sûrement gaspillé son jour. Il a fait du tort à lui-même et à son jour.
Les nuits et les jours sont le capital de l’homme dans cette vie : leur bénéfice est le Paradis et leur perte est le Feu. L’année est un arbre, dont les mois sont les branches, les jours en sont les rameaux, les heures en sont les feuilles et les instants en sont les fruits. Ainsi, celui dont les instants sont consacrés à l’obéissance à Allah, son fruit sera bon, béni et doux au goût. Quant à celui dont les instants sont consacrés à la désobéissance à Allah, son fruit sera mauvais, amer et âpre.
Il existe de nombreux textes du prophète qui soulignent l’importance du temps et exhortent à le saisir et à ne pas le gaspiller, tout en soulignant que le serviteur sera questionné sur son utilisation au jour de la Résurrection. Ibn ‘Abbas rapporte que le prophète a dit : “Profite de cinq avant cinq : ta jeunesse avant ta vieillesse, ta santé avant ta maladie, ta richesse avant ta pauvreté, ton temps libre avant d’être occupé, et ta vie avant ta mort”3. Abou Barzah Al Aslami rapporte également que le prophète a dit : “Les pieds de l’homme ne bougeront pas le Jour de la Résurrection avant qu’il ne soit interrogé sur ce qu’il a fait de sa vie, sur ce qu’il a fait de son savoir, sur la manière dont il a acquis sa richesse et comment il l’a dépensée, ainsi que sur l’utilisation de son corps”4. Il est également rapporté dans le hadith authentique : “Deux bienfaits sont souvent négligés chez les gens : la santé et le temps libre”5.
Nous devons donc saisir toutes les opportunités offertes par ce mois béni et cette saison magnifique pour s’adonner aux obéissances et nous tourner vers Allah. Profitons de toute notre vie avant que la mort ne nous surprenne. Que les personnes en bonne santé, à qui Allah a accordé le bien-être en les préservant des maladies, bénéficient de leur santé avant qu’Allah ne les mette à l’épreuve avec la maladie qui les empêchera et affaiblira leur résolution. Que les personnes qui disposent de temps libre en profite avant d’être submergés par le travail, les préoccupations et les tâches. Que les jeunes profitent de leur jeunesse et leur force, avant d’être touché par la maladie de la vieillesse et la sénilité, période de faiblesses, d’apathies, d’infirmités et de maladies. Que les riches profitent de ce dont Allah leur a pourvus avec abondance dans leurs subsistances, comme débris de ce bas-monde éphémères, avant que la pauvreté s’abatte sur eux et d’être accablés par les besoins. Que tous profitent de cette grande période pour se rapprocher d’avantage d’Allah, pour accueillir ses bienfaits, ses bénédictions, ses miséricordes, de se repentir sincèrement, de multiplier les bonnes actions et s’abstenir des actes répugnants et des interdictions.
Ibn Rajab a dit : “Il n’y a pas une de ces saisons vertueuses sans qu’Allah y ait légiféré des formes spécifiques d’obéissances par lesquelles on se rapproche de Lui. Allah a des faveurs qu’Il accorde à qui Il veut de par Sa grâce et Sa miséricorde. Le bienheureux est celui qui saisit les opportunités offertes par les saisons des mois, des jours et des heures, et se rapproche ainsi de son Seigneur en accomplissant ces actes d’obéissance. Peut-être qu’il sera touché par une des faveurs divines et connaîtra une félicité qui le mettra à l’abri du feu et de son supplice”6.
Quant à celui qui gaspille son temps libre en une telle période et ne tire aucun bénéfice de sa santé pendant ce mois sacré, quand pourra-t-il en tirer profit et se corriger sur la droiture ? Ibn Al Jawzi a dit : “Celui qui utilise son temps libre et sa santé dans l’obéissance à Allah est le bienheureux, tandis que celui qui les utilise dans la désobéissance à Allah est le dupé, car le temps libre est suivi par l’occupation et la santé est suivie par la maladie”7.
Certains des pieux prédécesseurs ont dit : “Un signe d’horreur est la perte de temps.” Ibn Al Qayyim a dit : “Le gaspillage du temps est pire que la mort, car le gaspillage du temps te coupe d’Allah et de l’au-delà, tandis que la mort te coupe du monde et de ses habitants”8.
Il incombe au musulman de ne pas se laisser tromper par ce bas monde : car ce qui en est sain devient malade, ce qui est nouveau se fanera, son plaisir disparaîtra, sa jeunesse se flétrira. L’individu y chemine, en voyage vers la demeure de l’au-delà. Celui qui sème le bien récoltera bientôt ses récompenses et sa rétribution, et celui qui sème le mal récoltera le regret et la peine. À chaque semeur sa récolte.
Ô Allah, bénis nos temps, nos vies et nos actions, et facilite nous la droiture dans nos affaires. Accorde-nous la réussite pour saisir les occasions de faire des actions vertueuses durant les temps qui nous restent. Fais nous aimer la bienfaisance et détester le mal. Fais de nous ceux qui jeûnent ce mois avec l’intention d’obtenir Ton agrément et de gagner Ton Paradis.
Source: Site officiel du Cheikh ‘Abd Al Razzaq Al Badr, qu’Allah le préserve.
Rapporté par Al Boukhari dans son authentique ↩︎
Rapporté par Abou Nayam dans Hilyat Al Awliya (5/292) ↩︎
Rapporté par Al Hakim dans Al Moustadrak (7846) ↩︎
Rapporté par Al Tirmidhi (2602) ↩︎
L’authentique d’Al Boukhari (6412) ↩︎
Lata-if Al Ma’arif d’Ibn Rajab (p.6) ↩︎
Cité par Ibn Hajar dans Fatah Al Bari (11/230) ↩︎
Al-Fawaid d’Ibn Al Qayyim (p. 44) ↩︎